Les Chevaliers Hospitaliers et Malte

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Si la période de l’âge sombre fut réellement obscure à Malte, les Chevaliers de Saint-Jean irradièrent l’île avec toute la fureur et la gloire du siège le plus sanglant que l’Europe ait jamais connu. Expulsés de Rhodes par les Turcs ottomans en 1523, l’Ordre hospitalier de Saint-Jean reçut, de la part de l’empereur Charles Quint, une nouvelle base, afin d’y mener une nouvelle mission. Face à une menace ottomane qui planait alors sur Vienne à l’Est et à la capture d’Alger par Hayreddin Barbarossa au sud, l’empereur cherchait un obstacle contre l’invasion de l’Italie et de l’Espagne et il offrit ainsi Malte et Tripoli à l’Ordre en échange d’un loyer annuel d’un faucon maltais.

Les Hospitaliers prirent possession des îles maltaises en novembre 1530, la population locale s’élevait alors à environ 12 000 habitants. Se sentant menacé par une soudaine attaque venant de l’Empire ottoman, l’Ordre de Saint-Jean transféra le siège du gouvernement de Notabile, dans la ville de Mdina, à Birgu, en raison de son emplacement stratégique au sein du port.

Sous la direction des Grands Maîtres de L’Isle-Adam, de Homedes et de La Valette, les Chevaliers fortifièrent le Grand Port en renforçant le fort Saint-Elme, ainsi que les murs du château médiéval Castello a Mare, qui deviendra par la suite le fort Saint-Ange, dans la ville de Birgu. Ils approfondirent et élargirent également le fossé le séparant de cette dernière. Les Chevaliers achetèrent une grande chaîne, à Venise, qu’ils placèrent dans le bras de mer entre Birgu et Sanglea, qui allait leur permettre de protéger les galères de l’Ordre. Le fort Saint-Michael fut par la suite construit sur la ville fortifiée de Sanglea.

En 1551, le successeur de Barbarossa, Dragut, lança une attaque sur Malte qui échoua, néanmoins, il parvint à emporter la majorité de la population de Gozo pour la réduire en esclavage, ainsi qu’à capturer Tripoli.

Ces événements conduisirent à une attaque profondément plus marquante venant de l’armée et de la marine de Soliman Le Magnifique sur Malte, en 1565, qui devint le Grand Siège. En avril de cette année-là, environ 40 000 hommes sur 180 galères quittèrent Constantinople et naviguèrent vers Malte, pour y débarquer le 18 mai. L’Ordre comptait alors environ 540 chevaliers et sergents, 400 troupes espagnoles envoyées par Don Garcia de Tolède, vice-roi de Sicile, et environ 4 000 miliciens maltais. 500 soldats espagnols supplémentaires vinrent défendre Malte plus tard lors de l’attaque.

L’armée ottomane était alors commandée par Mustapha Pacha et la flotte par Piali Pacha, le gendre de Soliman. Dragut arriva après deux semaines, ramenant avec lui de nouvelles troupes et de l’artillerie. Les Ottomans savaient qu’ils devaient conquérir l’île avant le début de l’hiver. Ils attaquèrent le fort Saint-Elme le 25 mai, engageant les très redoutés 6000 janissaires dans la bataille. Ils s’attendaient alors à une victoire en une semaine. En réalité, il leur fallut attendre jusqu’au 23 juin et perdre 8000 soldats, dont Dragut, pour prendre le fort. Durant le reste de l’été, des attaques continues furent lancées sur Birgu et Sanglea. Cette dernière s’apprêtait à tomber le 7 août, lorsqu’une attaque de cavalerie venant de Mdina sur le camp ottoman, alors établi à Marsa, entraina une retraite au tout dernier moment.

Alors que le siège le plus sanglant que l’Europe ait jamais vu se déroulait durant l’été, Don Garcia persuada l’Europe catholique de rassembler une armée de secours pour venir en aide à Malte. A la suite de cette demande, près de 10 000 hommes débarquèrent sur l’île le 6 septembre, détruisirent les forces ottomanes alors en retraite le 7 septembre, et les poursuivirent jusqu’à la mer le 8 septembre. Le siège se conclut.

Pour protéger Malte contre d’éventuelles invasions futures, de La Valette commença aussitôt à construire une ville fortifiée sur le mont Sciberras, un emplacement stratégique, qui sera par la suite connu comme la capitale La Valette. Les Hospitaliers, désormais connus sous le nom de Chevaliers de Malte, acquirent un statut de renom en Europe chrétienne suivant les événements de 1565, mais également grâce à la participation des galères de l’Ordre, aux côtés de la flotte vénitienne, dans la destruction de la flotte ottomane à Lépante en 1571. Enrichi par des dons d’admirateurs européens, l’Ordre répara les fortifications endommagées et borda l’île de tours de guet côtières.

En outre, l’Ordre hospitalier devint célèbre grâce à l’enseignement et la pratique de la médecine en Europe. La Sacra Infirmeria pouvait alors accueillir 500 patients et comprenait une école de médecine et de pharmacie.

Bien que toujours dépendante de l’Europe en termes de provisions, Malte prospéra culturellement et socialement entre les XVIe et XVIIIe siècles. La Co-Cathédrale Saint-Jean à La Valette devint un bijou artistique : des palais, une université, une école de mathématiques et de sciences nautiques, ainsi qu’une bibliothèque publique y furent établis. La population augmenta et une bourgeoisie s’y développa, ces projets ayant permis la création d’emplois pour les artisans, les artistes et les marins. Quant au port de Malte, il devint un centre de commerce et de construction navale.

D’un point de vue militaire, l’Ordre atteignit son apogée au XVIIe siècle, ses galères traversaient alors la Méditerranée centrale, combattant et capturant des navires de corsaires barbaresques, mais également des galères européennes, ce qui engendra de nombreuses périodes de tension. À la fin du XVIIIe siècle, l’Ordre déclina considérablement. Le manque de discipline parmi ses chevaliers ainsi qu’une diminution de son financement affaiblirent son importance et son rôle en Europe.

Le 9 juin 1798, en route pour l’Égypte, Napoléon Bonaparte s’attaqua à Malte. Sans la protection du roi défait de Naples et de Sicile et affaibli par les loyautés divisées entre les chevaliers espagnols et français, l’Ordre se rendit humblement le 12 juin après une brève résistance des milices maltaises.

Ainsi prit fin la domination de l’Ordre de Malte sur l’île. Le Grand Maître de Hompesch démissionna, laissant un Ordre brisé se redécouvrir progressivement au cours des 25 années suivantes. L’Ordre s’installa d’abord en Sicile, puis à Rome, où il se trouve toujours actuellement. Il y est reconnu en tant que gouvernement souverain, avec son Grand Magistère situé dans la Via Condotti. L’Ordre s’est vu accorder un bail de 99 ans sur le fort Saint-Ange et est engagé dans des travaux de restauration sur cette structure historique.

Dr. Anton Borg

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